Sous le coup de la colère, il se reprit. Et les paysages s'éclairaient enfin dans sa tête. Une nouvelle fois, des bruits de feuillages vinrent dissiper sa concentration. A peine ses yeux furent-ils ouverts, Sean avait disparu.
]]>Bon, alors, ça donne quoi, avec ton petit ?
Il a une toge dorée.
Mouais. Et on est sûr que c'est lui ? Les mages d'or, c'est commun, dit il en fixant ses serviteurs dorés, d'un air un peu méprisant.
C'est sûr, mais elle a des reflets violets !
Le vieillard avait cessé de jouer avec ses dés. Et sans prévenir, haussa le ton.
« Putain, j'ai encore fait un onze ! Ces dés ne font jamais douze, c'est énervant. » Il lança les dés qui s'écrasèrent dans le mur et reprit :
« Bon, moi, je m'en fous de sa toge. J'ai jamais aimé parler de mode et c'est pas aujourd'hui que ça va commencer. Il pourrait être à poil, ce s'rait pareil. C'est lui ou pas ? »
Après un long silence, il continua son monologue.
« Dans ce cas, tu viendras me voir quand tu seras sûr. Parce que là tu me déranges pour rien ! T'as même pas dit bonjour ! Malpoli ! »
A des kilomètres de là, Aélys cherchait Sean dans la forêt. Le mage avait passé la nuit dans la forêt. Toujours adossé à cet arbre gigantesque, qu'il avait rendu plus vivace que jamais, grâce à sa nouvelle habileté, il méditait, les yeux fermés. Soudain, il entendit un cri. Aélys lui avait bondi dessus. Et étrangement, il n'avait pas remarqué sa présence. Il sursauta si fort qu'il se cogna avec violence contre le tronc. Toujours aussi maladroit. Un peu gêné, il félicita l'apprentie, tout en se frottant la tête.
" Vous m'avez trouvé assez rapidement. C'est encourageant ! Nous allons inverser les rôles. A mon tour de vous trouver. Vous avez dix minutes ! ".
Elle avait encore dans ses yeux de miel cette envie, que Sean sentait profonde. Cette innocence un peu naïve qui, peut-être, la poussait à parler vite. Ce qui était sûr, toujours selon le mage, c'était la sincérité de la jeune fille. Une sincérité débordante.
Décidément plein d'artifices et comme pour se donner un genre, le géant lui avait tourné le dos et s'était retourné à peine, en prononçant ces mots d'un ton dur.
« Demain matin, je vous attends à six heures. Pour votre première leçon. Le premier exercice – disait il en s'éloignant – sera de me retrouver dans cette forêt. Je ne peux pas vous dire comment faire. Chaque mage est unique. Concentrez-vous et essayer de me voir, mais sans vos yeux. Rassurez-vous, je ne masquerai pas ma présence. Ah, et une dernière chose. Évitez les vêtements épais. Il vaut mieux avoir froid et réussir cet exercice, plutôt que de mourir de faim avant d'y arriver. ».
Il disparût soudainement. Ne pouvant plus supporter les yeux et les exclamations de joie de la jeune fille. Il ne s'agissait pas pour lui de sensations désagréables. Et c'est précisément pour cette raison qu'il tenait à les éviter.
Un peu plus loin, au cœur de la forêt, Sean chercha un arbre robuste, avec une souche énorme.
« Il faut que je comprenne ce qu'il m'arrive » pensait il. Il prit une immense respiration. Ôta sa toge et, presque nu, laissait le vent caresser son corps. La tête vers le ciel, les yeux fermés, il contracta chaque muscle de son buste.
« Comme à la guilde... Le point de la destruction ! » L'arbre s'ouvrit en deux par le haut.
« Décidément, soit j'ai un coup de mou, soit je fais fausse route... ».
Déçu, il tapota l'arbre amicalement et ce dernier se reconstitua en deux secondes à peine, sous les yeux ébahis de Sean, complètement bouche-bée.
Le géant s'était métamorphosé en changeant de toge et avait découvert sa vraie nature. Celle d'un mage guérisseur.
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Sean passa la dent autour de son cou et ressenti son effet immédiatement. Une sorte de bien être intérieur, qui l'enivrait un peu.
Aélys, toujours aussi vivace avait saisi la main du géant, qui décidément, ne savait pas réagir à ces marques d'affection, de gratitude. En voyant son sourire franc, il répondit par un rictus timide et après un silence, lui répondit.
« Vous n'avez pas à me remercier. Sans vous, dois-je vous le rappeler, je ne serais pas là où j'en suis aujourd'hui. Ce triomphe est aussi de votre fait. Tachez de vous en souvenir. ». Ces derniers mots sonnaient comme un adieu.
Elle avait enchaîné ensuite sans lui laisser le temps de répondre. Après un silence pesant, il se décida.
« Vous apprendre la magie ? Première leçon : la magie ne s'apprend pas. Elle se ressent. Et si je dois vous aider à développer vos capacités, vous devez me considérer comme votre alter-égo. Qu'importe mon expérience. Quand on parle de magie, nous sommes égaux. Donc, il est hors de question que vous deveniez ma boniche, ou même mon disciple. ».
Il continua sur sa lancée, comme pour chercher une réponse qu'il connaissait déjà.
« Mais je voudrais savoir une chose, avant de vous dire oui. Je vais vous poser une question et votre réponse décidera seule de ma décision. Qu'est-ce qui vous motive soudainement, à maîtriser la magie ? ».
En posant cette question, Sean se rappelait sa propre réponse à cette question fondamentale. A l'époque, le mince bonhomme était resté sans réponse pendant longtemps, du haut de ses quatorze ans. Désirant au plus profond de lui-même apprendre la magie, il avait choisi de reporter sa réponse. Deux semaines plus tard, il revint et avait passé le premier test, sans réellement être sûr de sa solution.
« Et il faut savoir que si j'accepte, l'entrainement sera dur et épuisant. Soyez prête. Ce que nous avons vécu vous a sans doute endurcie. Mais vous allez en baver. ».
Sean jouait les durs. Pour ne pas perdre la face. Totalement mal à l'aise, il pensait.
Mais comment je pourrais refuser quoique ce soit à des yeux pareils ?
]]>Ivy, que Sean n'avait pu remarquer, s'était enfuie sans que personne ne le remarque et il se dirigeait avec hâte vers la porte principale où la jolie brune et le dragon l'attendaient.
« Sean, je vous présente Alric » lança-t-elle.
Il n'ouvrit pas la bouche et pensa.
« Ce petit dragon m'a vraiment aidé. Je lui dois une fière chandelle. »
« Inutile de remercier ! Tout ce que j'ai fait, c'est pour aider Aélys ! »
« Comment ? Tu as entendu ce que je pensais ? Ça m'arrange. Quand nous aurons le temps, j'aurais besoin de discuter avec toi. Seul à seul. C'est important ».
Sean suivit Aélys sans en dire davantage.
***
Ils étaient arrivés dans une petite ville. Les passants dévisageaient Sean, qui, effectivement, ne passait pas inaperçu avec sa toge brillante. Aélys s'en était allé et il tenta de demander son chemin aux habitants, qui se refusaient à lui adresser la parole. Il ne désirait pas perdre son temps à chercher l'auberge, qui devait être proche. Il ne pensait qu'à une chose : s'asseoir un instant.
Après plusieurs essais infructueux, une bande de jeunes le prit en pitié et accepta de le mener jusqu'à l'auberge.
« Voilà ! L'auberge est au bout de cette ruelle. Vous pouvez pas vous tromper ! Le truc, c'est que, malheureusement, vous aurez jamais l'occasion d'y arriver vivant... ».
Les loubards encerclèrent Sean en un instant, rigolant grassement. Le mage d'or se jeta sur l'homme qui lui faisait face en murmurant : « Le poing de la destruction ». La surprise fût de taille.
« Aaaaah, putain, ce con m'a explosé le nez ! » dit le loubard en tombant sur les fesses. Sean, déboussolé, les intimida d'un effet de manche et tous disparurent soudainement.
Ce coup aurait dû le tuer ! N'ai-je donc plus aucun pouvoir ? Mis à part cette télépathie étrange ?
Malgré son inquiétude, Sean arriva à l'auberge, ironiquement, grâce aux indications de ses agresseurs et il attendait Aélys, la tête dans les mains et les yeux rivés sur la porte d'entrée. Il fit mine de rien en les voyant entrer. Elle lui présenta son frère, qu'elle avait pu sauver, comme prévu. Sous les acclamations du blondinet, le mage d'or, décapuchonné, rougit légèrement. Puis froidement, il lança :
« Je dois voir Alric. Je serai dans la forêt si vous avez besoin de moi. ».
Sean se sentait triste. Leurs objectifs atteints, les deux compagnons de voyage se sépareraient sûrement sous peu. Lui voulait reprendre la route et comprendre, avant de se venger, les actes de son père.
Arrivé dans la forêt, il trouva le dragon, après s'être entiché d'une migraine, à force de cris télépathiques.
Il alla droit au but : « Te voilà. Je voulais te donner ça. C'était sur Minas. Ça me serait utile, mais c'est une dent de dragon... J'ai pensé te la remettre. Tu sauras sans doute quoi en faire. En tout cas, mieux que moi. ».
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