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Le rôle des mots

Jeudi 8 août 2013 à 19:52

 Sean était serein. Sa sœur d'armes lui apparaissait comme la plus impitoyable des assassins. Il pouvait se concentrer pleinement sur cette dure bataille qui l'attendait. Sa toge argenté brillait de milles éclairs. Étincelante, pure et aveuglante. Cette accumulation de lumière rendait Aélys indiscernable et les soldats, piètres combattants, se faisaient décimer. Le sang giclait de partout et nonchalamment, une demoiselle aux cheveux courts et gris grimpait les marches. Une sorte de bikini blindé la recouvrait. D'étranges habits, qui couvraient d'avantages ses parties intimes qu'ils ne la protégeaient. Elle tenait dans sa main, fermement, une épée dorée, creusée de sillons profonds, presque invisibles. A sa seule vue, les gardes avaient déserté les remparts. Sans dire ni merde ni bonjour, elle lança un coup à Aélys. L'arme, scindée en plusieurs parties, s'était étendue comme un fouet ravageur. La jeune brunette devait réagir. Cet ennemi était définitivement d'une autre trempe que ces troufions incapables de combattre. Sean connaissait cette dame à l'épée. Ivy. Mais, les yeux fermés, trop concentré, il ne pouvait communiquer son savoir.

 

Le roi Minas avait souris face au petit dragon, qui, sûr de lui, avait posé sa question avec force. Amusé, il le provoqua.

« Un petit dragon, avec des yeux dorés. Ça me rappelle beaucoup de souvenirs... Tu sais comment j'ai eu cette toge, que je porte fièrement ? J'ai tué un dragon. Il avait ces mêmes yeux dorés. C'était une femelle si je me souviens bien... Elle était faible. Comme toi. ».

Concentré dans son monologue, le roi Minas snobait complètement le géant, qui en profita. Son oiseau fonça à grands coups d'ailes sur le mage. Le phénix, immobile, le laissa passer. Et le roi esquiva facilement l'attaque.

  • C'est impossible ! Comment peux-tu bouger en contrôlant un phénix en même temps ?!

  • Ça s'appelle le talent, imbécile. Sais-tu à qui tu parles ?

Son phénix se déchaîna sur l'oiseau tonnerre, la foudre brûlait et un cri suraigu de douleur sortit de la bête-foudre assaillie. Une grosse goûte de sueur dégoulina sur la joue de Sean, qui, déjà, faiblissait.

Jeudi 8 août 2013 à 21:36

Aélys avait senti le changement d'atmosphère. Les soldats avaient tous fui, et une aura féminine approchait. Un éclair d'or trancha l'air, droit sur la dragonnière. Elle tenta d'esquiver le coup, qui manqua sa cible de peu, lui lacérant le bras gauche. Enfin un adversaire à sa mesure. Brusquement, ses yeux de miel s'illuminèrent d'une inquiétante lueur. Son aura doubla de puissance, et le combat commença. Les attaques s'enchaînèrent, fluides, un délice à observer pour les amateurs. Mais les spectateurs étaient rares. Jusqu'à présent silencieuse, la brunette laissait échapper des cris de douleur et d'effort. Les deux assaillantes lancèrent alors la charge simultanément. La dague toucha Ivy à la cuisse, lui interdisant de bouger, et la lame dorée atteignit la jeune femme de plein fouet, dans les côtes. Elle lança son arme sur la demoiselle aux cheveux d'argent, qui se planta dans son épaule, avant de s'écrouler sur le sol, inconsciente.

***

A quelques mètres de là, le petit dragon enrageait. En effet, la mémoire de ce dernier avait enregistré ce qui s'était produit pendant qu'il n'était encore qu'un oeuf. Sa mère avait été tuée par un sorcier il y avait bien des années de cela.

"Vous avez tué ma maman ?"

Le ciel se métamorphosa en une fraction de seconde. Des nuages lourds d'électricité s'accumulèrent au-dessus d'eux et un orage éclata brusquement. La foudre frappa l'oiseau-tonnerre, lui donnant une vigueur nouvelle.

"Où est l'eau ?"

Les yeux dorés du saurien brillaient de fureur. Puis il sentit l'aura de sa maîtresse vaciller, et tomber. La colère du jeune à écaille redoubla.

"Un jour, je vous tuerai. Où est l'eau ?"


Il tenta de s'insinuer dans l'esprit du roi. Il rencontra un énorme bouclier mental, qu'il heurta de toute sa puissance. Le mage d'or sentit qu'il devait reprendre les choses en main s'il ne voulait pas être débordé. La foudre continuait de frapper, renouvelant lentement la puissance de Sean et détruisant le château.

Jeudi 8 août 2013 à 23:35

 Dans une vétuste cabane vivait une petite famille, paisiblement. Aujourd'hui marquait le départ d'un père aimant, qui ne reviendrait jamais. Sean s'était réveillé en sursautant. Sa mère hurlait en pleurant.
  • Tu ne peux pas nous laisser comme ça, du jour au lendemain ! Pourquoi tu nous fais ça ?!

  • J'ai des obligations, Elara, tu le sais. Répondit froidement l'homme.

Il allait franchir la porte au moment où Sean, à moitié endormi arriva, en se frottant les yeux. « Maman, pourquoi tu pleures ? ». Sa mère, inconsolable, incapable d'articuler ne put expliquer à son jeune fils la situation. Son père lui tournait le dos et franchit le seuil de la maison sans un adieu. Un homme très grand, très musclé. Avec dans sa voix le même ton dur que Sean. Les torrents lacrymales de sa mère avait fait gonfler le sol. Elle pleurait à en mourir. Et en décèderait deux ans plus tard. Abasourdi, dans le flou le plus brumeux, le petit enfant regarda s'éloigner son père, brillant d'une couleur vive, vêtu d'une toge d'argent.

***

Sean avait regagné sa vigueur, sans avoir pris conscience du combat qui s'était joué devant lui. Une lutte acharnée et sanglante qui s'était soldée par un match nul. Le roi Minas, affaibli par le choc mental du petit dragon et clairement incapable de gagner, vu l'ampleur de l'orage, luttait avec acharnement. Il bougeait dans tous les sens et mis son corps tout entier dans son dernier assaut. La gourde d'eau, qu'il avait dissimulée dans sa poche, tomba sous le choc de son ennemi, qui avait anéanti le phénix. Grâce au dragon, Sean avait vaincu. Son invocation paradait en hurlant.

Une gerbe de flamme du phénix vint mourir près du mage d'or et une voix retentit. « Tu appelles ça un phénix ? Tu es vraiment mauvais. » D'un seul coup, plus vivement que le vent, un nouveau protagoniste venait d'apparaître. Il brillait, dans sa toge brûlante qui le recouvrait. Il murmura quelques mots au roi et d'une claque, lui fit exploser le crâne. La gourde resta au sol.

En entendant ces mots méprisants, Sean ouvrit les yeux : « Cette voix... » L'oiseau tonnerre disparût dans un éclat, alors que le mystérieux inconnu ôtait sa capuche enflammée. « Ce visage... ». Un vent de mana puissant se leva soudainement. Pour la première fois, le visage de Sean apparaissait. Fou de colère, presque inconscient, ses pupilles laissèrent place à une pâleur livide dans ses yeux. Il traversa les remparts d'un bond et avec une rapidité déconcertante, décocha un poing dévastateur au mage surpuissant qui s'écrasa dans le mur, avant de se relever, comme si rien n'était arrivé.

  • Salut fils. Tu n'as pas l'air content de me voir... ?

  • Je vais te tuer. JE VAIS TE TUER ! Répondit Sean, d'une voix d'outre-tombe.

Le père de Sean le serra à la gorge dans un sursaut. Le mage d'argent ne pouvait plus bouger.

  • Allons, allons ! Du calme, du calme, Eut...

  • Je ne m'appelle plus comme ça !

  • Pardon... Sean, c'est ça ? Quel nom ridicule... Je suis navré, j'aurais aimé discuter avec toi. Mais j'étais venu pour tuer cet incapable. Mais je t'assure qu'on se reverra... Ah, au fait, une dernière chose... J'aime beaucoup ta nouvelle toge.

Son père disparût dans un souffle.

L'énorme quantité de mana libérée par Sean se déversait sur les plaies des deux femmes, qui se régénéraient lentement.

En entendant ces derniers mots, Sean se calma et tomba à genoux, pleurant à chaudes larmes, couvert d'une toge dorée, scintillante comme le soleil, parsemée de reflets violacés. 

Vendredi 9 août 2013 à 0:47

Le petit dragon avait assisté à la scène avec attention. Dès que la petite gourde d'eau s'était échappée de la poche du roi, il était allé la récupérer, la serrant bien fort entre ses petites serres. Il vola alors près du mage d'argent. Il se posa doucement devant lui et le regarda de ses grands yeux d'or.

"Merci."

Il marqua une pause, laissant le temps à Sean de remarquer sa présence et de reprendre ses esprits.

"Aélys nous attend. Vite."

La jeune femme s'était éveillée quelques secondes plus tôt. Son assaillante avait disparu. Ne restaient que des traces de luttes et de larges taches de sang. Elle avait récupéré sa dague, volé quelques vêtements et rejoint la porte principale du château. Elle ne croisa personne, l'endroit était désert et un lourd silence régnait. Le mage d'or arrivait alors que le saurien venait se poser sur le bras de sa maîtresse, frottant affectueux sa tête contre son épaule. Elle récupéra l'eau magique et la cacha sur elle.

"Sean, je vous présente Alric."

Sans plus de cérémonie, elle sortit à grands pas de la forteresse.

***

Il marchèrent plusieurs jours, en parlant peu. Aélys était inquiète et voulait arriver au plus vite auprès de son frère. Ils approchèrent alors d'une petite ville. L'endroit était sombre et les maisons, visiblement anciennes, avaient été malmenées par la météo, peu clémente en cette région. Les habitants regardaient les deux amis avec méfiance. La magie n'était pas la bienvenue ici et le dragon avait préféré rester dans la forêt environnante.

"Restez ici, rendez-vous dans la seule auberge de la ville..." dit-elle à Sean.

La brunette marchait dans les rues, le pas sûr, connaissant précisément sa destination.
Ils parvinrent devant une villa aux murs noirs et aux volets gris, entourée d'une barrière à moitié défoncée. La jeune femme entra dans la petite avant-cour en friche et frappa à la porte. Une femme aux cheveux gris, retenus par un chignon serré, leur ouvrit.

"Aélys ! Nous pensions ne plus jamais avoir de vos nouvelles ! Ils vont bientôt mettre dehors votre petit frère...
- Bonjour Anna, comment va-t-il ?
- De pire en pire...
- Je veux le voir."

Elle suivit Anna dans la grande maison. Le petit garçon était dans une chambre à l'étage. Aélys sortit la petite gourde et avança vers son frère.

"Erwann, mon chéri, c'est moi, je suis venue te sortir d'ici..."

Le petit blondinet ouvrit les yeux avec peine et tourna la tête vers sa soeur.

"Aél'..."

Il esquissa un sourire fatigué. La dragonnière prit un gobelet qui traînait sur la table de nuit et servit le liquide magique. Elle donna à boire à Erwann. En un instant, son visage reprit des couleurs. Ses yeux s'écarquillèrent et brillèrent de surprise et de joie. Il se redressa, et, voyant qu'il ne ressentait ni nausée, ni vertige, il se leva et sauta au cou de sa soeur.

"Aél, tu m'as guéri !
- Oui mon ange, tu n'as plus à t'en faire, tu vas pouvoir sortir d'ici, tu ne seras plus malade."

Elle serra fort son frère contre elle et ils sortirent de la pension. Ils achetèrent des vêtements neufs et retrouvèrent Sean à la taverne. Vêtue d'un simple pantalon de cuir marron et d'une chemise blanche, Aélys était redevenue la jeune femme pleine de vie qu'elle était au début. Légère et souriante, elle fit les présentations, pendant que le petit garçon buvait son lait chaud avec appétit.

"Sean, voici mon petit frère, Erwann, Erwann, voici Sean, un ami qui m'a aidée à trouver ton remède...
- Merci monsieur ! Merci d'avoir pris soin de ma soeur, maintenant je vais pouvoir le faire moi-même !"

La jeune femme sourit, ébouriffa les cheveux d'or de son frère et y déposa un baiser, le regard de miel rempli de tendresse.

Samedi 10 août 2013 à 21:30

 Encore choqué par l'apparition de celui qu'il ne considérait plus que comme son géniteur, Sean laissa le dragon partir devant. Il se releva lentement et jeta un dernier regard au roi Minas, décapité d'une seule main et avec une facilité déconcertante. En y regardant de plus près, il remarqua un pendentif ; une griffe de dragon. Étrangement petite, émoussée à la pointe, pour des raisons de confort, sans doute. Il s'en empara en l'ôtant sèchement du cou du cadavre et la glissa dans la poche de sa toge.

 

Ivy, que Sean n'avait pu remarquer, s'était enfuie sans que personne ne le remarque et il se dirigeait avec hâte vers la porte principale où la jolie brune et le dragon l'attendaient.

 

« Sean, je vous présente Alric » lança-t-elle.

 

Il n'ouvrit pas la bouche et pensa.

 

« Ce petit dragon m'a vraiment aidé. Je lui dois une fière chandelle. »

 

« Inutile de remercier ! Tout ce que j'ai fait, c'est pour aider Aélys ! »

 

« Comment ? Tu as entendu ce que je pensais ? Ça m'arrange. Quand nous aurons le temps, j'aurais besoin de discuter avec toi. Seul à seul. C'est important ».

 

Sean suivit Aélys sans en dire davantage.

***
 

Ils étaient arrivés dans une petite ville. Les passants dévisageaient Sean, qui, effectivement, ne passait pas inaperçu avec sa toge brillante. Aélys s'en était allé et il tenta de demander son chemin aux habitants, qui se refusaient à lui adresser la parole. Il ne désirait pas perdre son temps à chercher l'auberge, qui devait être proche. Il ne pensait qu'à une chose : s'asseoir un instant.

Après plusieurs essais infructueux, une bande de jeunes le prit en pitié et accepta de le mener jusqu'à l'auberge.

 

« Voilà ! L'auberge est au bout de cette ruelle. Vous pouvez pas vous tromper ! Le truc, c'est que, malheureusement, vous aurez jamais l'occasion d'y arriver vivant... ».

Les loubards encerclèrent Sean en un instant, rigolant grassement. Le mage d'or se jeta sur l'homme qui lui faisait face en murmurant : « Le poing de la destruction ». La surprise fût de taille.

 

« Aaaaah, putain, ce con m'a explosé le nez ! » dit le loubard en tombant sur les fesses. Sean, déboussolé, les intimida d'un effet de manche et tous disparurent soudainement.

 

Ce coup aurait dû le tuer ! N'ai-je donc plus aucun pouvoir ? Mis à part cette télépathie étrange ?

 

Malgré son inquiétude, Sean arriva à l'auberge, ironiquement, grâce aux indications de ses agresseurs et il attendait Aélys, la tête dans les mains et les yeux rivés sur la porte d'entrée. Il fit mine de rien en les voyant entrer. Elle lui présenta son frère, qu'elle avait pu sauver, comme prévu. Sous les acclamations du blondinet, le mage d'or, décapuchonné, rougit légèrement. Puis froidement, il lança :

« Je dois voir Alric. Je serai dans la forêt si vous avez besoin de moi. ».

 

Sean se sentait triste. Leurs objectifs atteints, les deux compagnons de voyage se sépareraient sûrement sous peu. Lui voulait reprendre la route et comprendre, avant de se venger, les actes de son père.

 

Arrivé dans la forêt, il trouva le dragon, après s'être entiché d'une migraine, à force de cris télépathiques.

 

Il alla droit au but : « Te voilà. Je voulais te donner ça. C'était sur Minas. Ça me serait utile, mais c'est une dent de dragon... J'ai pensé te la remettre. Tu sauras sans doute quoi en faire. En tout cas, mieux que moi. ».

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